Accueil ou hospitalité dans les établissements médico-sociaux
Michèle Latu,
Directrice du Foyer la Baraudelle, établissement recevant des adultes handicapés physiques en structure rurale
Quel que soit l’établissement médico-social (accueil d’enfant, accueil de mère isolée, CHRS, personnes âgées, ...), l’accueil bienveillant est une constante de qualité de service. Quel que soit le visiteur, l’accueil dès l’ouverture de la porte de l’institution rend compte des valeurs sociales mises en œuvre. Ces deux dernières années ont cependant mis un terme à des habitudes ancrées :
- Le salon d’accueil a disparu au profit d’une table relevant l’identité du visiteur, d’horaires de présence ainsi que d’un contrôle des passes sanitaires.
- Le port de masques de protection est obligatoire, ce qui embue les lunettes des visiteurs venant de l’extérieur, modifie la tonalité et le timbre de voix et limite la parole et les échanges.
- L’accès limité ou interdit lors du premier confinement, ou pendant les périodes de cluster, ont modifié les formes de contact. Les relations humaines directes ont été malmenées et de nouveaux espaces de communication ont été créés par Messenger, Whatsapp, Zoom, Skype…
En définitive, après ces deux années difficiles pour les relations humaines, les contacts par le biais d’outils informatiques ont techniquement pu se maintenir, mais n’avons-nous pas renoncé à la richesse des échanges, des contacts humains, des modulations de voix, des sourires et de l’hospitalité ?
L’accueil s’est réorganisé et les outils informatiques actuels rendent un grand service pour maintenir une proximité entre résidents et familles. Cependant cet accueil est désincarné, sans contact, sans saveur. Alors de quoi devons-nous parler ? Devons-nous parler d’accueil ou d’hospitalité ? Que recouvre l’hospitalité que ne génère pas l’accueil ? Quels sont aussi les points communs de ces notions si importantes dans notre pratique ?
Si l’accueil est l’action et la manière d'accueillir, de recevoir quelqu'un ou quelque chose, l’hospitalité a plusieurs définitions car elle désigne non seulement l’acte de recevoir et d'héberger quelqu'un chez soi par charité ou générosité, mais encore la bienveillance, la cordialité dans la manière d'accueillir et de traiter ses hôtes. C’est aussi recevoir l’étranger, la personne venant de lointaines contrées.
Le concept d’hospitalité s’avère plus complexe, portant une charge humaine et émotionnelle importante qui existait dès l’Antiquité. Peut-on en déduire que l’hospitalité ne peut être que positive, contrairement à l'accueil, qui peut être selon les cas aimable, bienveillant, cordial, gracieux, ou au contraire froid, glaçant, glacial ?
L’hospitalité n’a pas besoin de raison, de justification, elle s’accorde sans réserve ni calcul. Elle ne peut être prescrite, encadrée ou restreinte par des règles ou des critères. De ce point de vue, toute institutionnalisation, toute codification trop formelle risque de la limiter ou de la dévoyer. Alors que l’accueil serait plutôt une démarche qui vise à créer un climat propice à la naissance d’une relation humaine de qualité. C’est une manière de penser qui doit constituer une manière d’agir. L’accueil, c’est un ensemble de comportements, d’attitudes, de regards, de gestes, de mots, de réponses aux attentes.
L'hospitalité est l’œuvre de l’organisation dans son ensemble, d’une éthique et de valeurs institutionnelles et/ou associatives. Il est donc important d’instaurer une culture d’institution axée sur l’hospitalité, qui fait de la satisfaction, de l’écoute et de la bienveillance la mission de tous les professionnels. L’accueil relève généralement des responsabilités d’un professionnel et revêt un aspect technique dominant. L’accueil éthique d’un professionnel, c’est lorsqu’il déploie une attitude à travers laquelle le parent, l’ami, peut se sentir désiré, bienvenu.
Au sein de la structure que je dirige, nous avons été soucieux de construire une démarche d’accueil très adaptée pour les familles des résidents, pendant toute cette période de pandémie. Recevoir et/ou conserver des liens avec sa famille, c’est important même lorsque des règles d’éloignement sont en cours.
Au gré des autorisations égrenées tout au long de l’année, nous avons prévu les rendez-vous des familles avec un accompagnement de la porte jusqu’à l’espace d’accueil. En semaine, cet accueil était effectué par la psychologue ou la secrétaire de direction. C’est un temps pendant lequel la famille a pu partager ses inquiétudes, demander des nouvelles de la vie de l’établissement, parler de ses craintes et de ses peurs. L’accueil s’est accompagné de l’installation d’une table avec café des deux côtés de la cloison en plastique. Ce n’était plus un espace séparé mais un café, une terrasse adaptée aux circonstances. Nous avons organisé, dès que cela était possible, des lieux d’accueil en extérieur et organisé des repas champêtres pour que les familles puissent se retrouver.
Certains résidents n’ont pas souhaité rentrer en famille de peur d’être contaminants ou d’être contaminés. Nous avons mis en place des repas familiaux dans une salle d’activité avec une cloison transparente entre la famille et le résident. C’est devenu un temps d’échange familial comme à la maison, le contact en moins.
Aujourd’hui, les familles sont à nouveau accueillies sous couvert d’un test PCR négatif de moins de 24 heures ou d’un passe vaccinal. Ces règles obligatoires génèrent un contrôle à chaque visite. Cette obligation repose et pèse sur les épaules de l’institution et de ses salariés. Si beaucoup de familles se plient à cette contrainte, pour d’autres, ce contrôle est vécu comme une perte de liberté et d’humanité. Des conflits s’instaurent, les frustrations deviennent trop pesantes et nous n’avons plus les ressources pour développer cette hospitalité qui se vit sans contrainte.
L’hospitalité doit de nouveau reprendre une place entière et souveraine dans les habitudes de vie de l’institution. C’est avec conviction que les professionnels du secteur médico-social ont porté ces valeurs humaines dans un contexte effrayant et déstabilisant. Tous ont hâte, maintenant, de voir revenir une hospitalité retrouvée.